LA PIÈCE

Dans cette suite de lettres, Claude Bourgeyx subvertit les stéréotypes qui encombrent le discours amoureux. Par l’accumulation de formules convenues et de clichés propres à ce genre de littérature — proche du monologue théâtral — il parvient à donner corps à des personnages qui disent en creux leur désarroi, leurs fantasmes, leur enthousiasme, leur solitude et la couleur de leur désir. Bref, leur humanité. Les cris d’amour que Claude Bourgeyx prête à ses personnages ne sont pas sans faire penser à ce que nous en dit Henri Michaux : «On crie pour taire ce qui crie. Le montreur de girafes cache un nain. Le montreur d’ours cache un chauve». La déclaration d’amour est toujours trompeuse. Et c’est dans la réponse du destinataire que, parfois, se produit un effet de vérité. Au lecteur d’en juger, à l’aune de sa vie amoureuse.

Jean-Paul Rathier

 

CRÉATION

Le spectacle a été créé le 28 novembre 1995 au Théâtre la Boîte à Jouer à Bordeaux, dans une mise en scène de Jean-Paul Rathier, interprété par Catherine Zabjesky et Jacques de Berne. (voir photo en vignette)

De nombreuses reprises par d’autres compagnies et d’autres interprètes suivront au fil du temps. (Claude Piéplu au Festival de théâtre de Sarlat; Bernadette Lafont au Festival d’Avignon puis à Paris, au Théâtre Fontaine… en 2004. Mise en scène Bastien Duval. En 2012, c’est la Compagnie Label Étoile, dirigée par Jean-Claude Falet, qui présente ce texte dans le Off du Festival d’Avignon (Théâtre La Luna).

 

EXTRAITS

 

«Édouard,

Les interventions chirurgicales se sont bien passées, le traitement post-opératoire touche à sa fin, je sors dans une semaine.

Je suis en grande forme, c’est une réussite ! Le docteur Georges a bien travaillé. Il a magnifiquement rajeuni mon visage, réduit ma culotte de cheval et remonté mes seins de façon spectaculaire. À présent, je parais trois fois moins que mon âge. Je suis folle de joie, j’ai hâte de rentrer à la maison. Surtout, n’oublie pas d’envoyer à la clinique le chèque pour mes liposuccions, le secrétariat le réclame. Mille et un baisers juvéniles.

TA BÉATRICE»

 

«Ma Béatrice,

Je vais être franc avec toi : dans les premiers jours de ton hospitalisation, j’ai eu une aventure avec une mineure qui, elle, avait tout fait pour se vieillir. Je te jure que j’ignorais son âge. Je lui donnais au moins trente ans. Ses parents ont déposé plainte. Mon avocat a obtenu ma mise en liberté sous contrôle judiciaire. Ses honoraires sont ruineux. Et je ne te parle pas de la caution ! Aussi, je ne suis pas en mesure de payer tes liposuccions. Comprends et pardonne.

TON ÉDOUARD»

 

 

 

 

Conception : Antoine Rathier